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8 mars 2012

Blog l'express sur le suicide enseignant

L'adresse est ici : (lire les commentaires)

http://blogs.lexpress.fr/l-instit-humeurs/2011/10/22/suicide-burn-out-chiffres-et-malaise-enseignant/

 

le contenu :

 

Suicide, burn out, chiffres et malaise enseignant

 

La très marquante immolation de Lise Bonnafous dans la cour de son lycée, la semaine dernière, a profondément secoué le monde enseignant et agité la Toile cette semaine.

Les nombreuses manifestations de solidarité, les marches silencieuses, la lettre du père de la jeune femme ont maintenu l’attention publique sur cet événement qui malheureusement n’en est pas un. La même semaine un membre de l’équipe enseignante du lycée Maximilien-Sorre de Cachan (94) se jetait par la fenêtre d’un bâtiment sous le nez des élèves. Combien d’autres suicides, médiatisés ou pas, comme ces deux là ?…

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Mea Culpa. A la recherche de statistiques sur les suicides dans l’Education Nationale, lors d’une précédente vague de suicides en mars dernier, je m’étais à l’époque fait le relais d’un chiffre trouvé sur le site de la section du Parti de Gauche de Midi-Pyrénées, citant lui-même Olivier Cuzon du syndicat Sud Education 29, lequel s’appuyait sur une étude de l’INSERM de 2002 pour avancer cette statistique : le taux de suicide chez les enseignants serait de 39 pour 100 000, très supérieur au taux national (16,2 / 100 000).

Depuis quelques temps déjà je me dis que, faute d’avoir pu consulter moi-même cette étude de l’INSERM sur le web, je dois leur écrire afin de me la procurer. Un lecteur de ce blog, Godard, a contacté l’INSERM avant moi. Cette étude n’existe pas. Autrement dit, le chiffre que je contribue à diffuser n’est pas « sourcé ». Mea maxima culpa. Les habitués de ce blog savent que, bien que n’étant pas journaliste et parce que je l’exige en tant que lecteur, je source mes chiffres et mes analyses. Cette fois-ci j’ai été un peu léger.

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Le Monde aussi… Ce genre de mésaventure arrive à d’autres, plus journalistes et bien plus lus que moi.

Cette semaine Le Monde publiait une étude révélant que 17 % des enseignants seraient touché par le burn out (contre 11 % dans les autres professions). Ce terme, emprunté à l’industrie aérospatiale (« situation d’une fusée dont l’épuisement de carburant a pour résultante la surchauffe et le risque de bris de la machine ») a fait son apparition aux Etats-Unis dans les années 70. En bon français, il s’agit d’un syndrome d’épuisement professionnel, classé « maladie dans la catégorie des  risque psychosociaux professionnels consécutive à l’exposition à un stress permanent et prolongé » (au Japon, la traduction de burn out est « mort par surcharge de travail »).

Aussitôt, les autres organes de presse, les blogs, les sites diffusent l’information qui fait le tour du web et de la sphère éducation. Patatras. Dès le lendemain, le Ministre en personne conteste les chiffres. Comme d’habitude, me direz-vous ? Non, cette fois-ci il semble avoir raison : le chiffre révélé par Le Monde proviendrait d’une étude hollandaise datant des années 90, ce que confirme dans une interview à L’express.fr Georges Fotinos, responsable de l’étude citée par Le Monde : « En revanche, ce que nous avons démontré, avec le psychiatre José-Mario Horenstein, co-auteur de l’étude, c’est que près de 30% des enseignants songent régulièrement à quitter leur métier. ».

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Où sont les chiffres ? Si tout le monde cherche des chiffres fiables concernant les suicides des enseignants en France, c’est pour deux raisons : d’abord parce que tout le monde sent bien que la question est, ces dernières années, devenue très sensible ; ensuite parce qu’il n’existe tout simplement pas de chiffre national officiel !…

Citant l’article du Monde, Philippe Watrelot, constate dans sa chronique du 19 octobre qu’ « après le suicide de la collègue de Béziers, les chiffres et les témoignages commencent à sortir. 54 suicides « dans les murs » ont été recensés officiellement en 2009. En lien avec les rectorats, la MGEN reconnaît « accompagner » 15 000 personnels de l’éducation nationale par an, dont « 6 000 bénéficient d’un tête-à-tête avec un psychologue«  ».

En 2010, le ministère avait annoncé le recrutement de 80 médecins de prévention. Seuls 17 ont été recrutés à ce jour. Comme le note Fotinos, « dans l’Education nationale, il n’y a que 70 médecins de prévention pour 1,1 million de salariés. »

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Les seuls éléments chiffrés concernant le suicide chez les enseignants sont ceux avancés fréquemment par le ministère (6 / 100 000, ouarf) et ceux présentés par une étude de l’Institut National de Veille Sanitaire, datant de 2010.

Cette étude porte sur l’ensemble du monde professionnel (encore que, elle annonce elle-même que de nombreuses professions ne sont pas prises en compte), elle est intitulée « Suicide et activité professionnelle en France : premières exploitations de données disponibles », est facilement consultable (11 pages…) et laisse pour le moins perplexe.

D’abord, elle porte sur la période 1976 – 2002, et ne prends pas en compte la décennie écoulée faute de retours statistiques. C’est dommage, tant la situation s’est dégradée dans l’Education précisément durant cette décennie.

Par ailleurs, elle exclue de ses statistiques la population féminine : « du fait de la prévalence des suicides chez les femmes, les analyses ont été restreintes à la population masculine » ! Sans plus d’explication, voici donc 2/3 de la population enseignante qui n’apparaît pas dans l’étude…

Enfin, « les enseignants de la fonction publique d’Etat » ne font pas partie des statistiques, soit la majeure partie des enseignants !

Le pire, quand on a fait ces remarques, est de constater qu’une catégorie « éducation » apparaît tout de même dans le rapport…

Le chiffre annoncé est alors à prendre avec des pincettes, vous pensez bien : 15,6 / 100 000 (c’est tout de même 2,50 fois plus que les chiffres donnés par le ministère).

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Le malaise, lui, est bien là.

On ne compte plus les articles, les analyses, les témoignages attestant du malaise enseignant. J’ai commencé dans le métier il y a une dizaine d’année, et j’assiste avec vertige à la montée de ce fameux malaise. J’ai aussi assisté (pas en direct, heureusement) au suicide d’une collègue, ma voisine de classe. J’ai vu dans les zones sensibles des jeunes collègues craquer. J’ai vu des stagiaires écœurés, faute de formation, avant même de commencer vraiment à exercer. J’ai vu des copains de promo de l’IUFM changer de métier, déjà.

Un récent sondage réalisé par le syndicat enseignant SE-UNSA auprès de 5 000 professeurs  (dont 80 % âgés de moins de 35 ans) a révélé que 45,7 % aimeraient changer de carrière. Et dernièrement, le Journal International de Médecine notait : « De fait, d’autres signaux semblent marquer une claire souffrance chez les professeurs de l’Education nationale. Ainsi, dans le dernier bilan très récemment publié du réseau national de vigilance et de prévention des pathologies professionnelles, l’Agence nationale de l’évaluation et de l’éducation en santé observe : « une sur notification des troubles mentaux par rapport aux autres pathologies apparaît dans les analyses brutes et ajustés dans les secteurs suivants : activités financières, (…) et éducation ». Peut-être pas pour les mêmes raisons, certes…

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Les enseignants, population résistante ? Le toujours impeccable Café Pédagogique, dans un papier intitulé « Les épidémies de suicide liées au travail », cite une étude de la MGEN sur la « surmorbidité psychiatrique des enseignants » et met en garde :

« Gare toutefois à ne pas extrapoler. Les professions où l’on trouve les taux les plus élevés de dépression liée au travail ne sont pas nécessairement celles où l’on rencontre le plus de difficultés professionnelles. Ainsi, les enseignants sont particulièrement exposés à différentes formes de souffrance au travail (burn out, problèmes de discipline, harcèlement moral et violences de la part des élèves, décalage entre la vocation et l’assignation, injonctions contradictoires du système, etc) ; mais ils parviennent, mieux que d’autres professions, à mettre à distance leur environnement professionnel (en partant en vacances, en se mettant en retrait). Pour ces raisons « la morbidité psychiatrique de cette profession n’est pas plus élevée alors que la détresse professionnelle y est très élevée ». A contrario, il est plus difficile pour les salariés du privé, en particulier pour les cadres, de mettre à distance leur travail quand ils rencontrent des difficultés professionnelles. »

L’argument, quoique arbitraire, se tient. Mais alors, qu’est-ce que ce serait si les enseignants ne parvenaient pas « à mettre à distance leur environnement professionnel » ?

 

df

Nota : à lire, une belle lettre d’une prof de français, suite au suicide de L. Bonnefous, ici.

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Voici la liste de liens se référant à cette note : Suicide, burn out, chiffres et malaise enseignant.

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16 commentaires

Je ne sais pas si les suicides dans l’enseignement en France est plus important que dans le reste de la société , mais j’en doute !
D’autre part tous les grands corps de l’état font périodiquement parler d’eux en voulant faire passer le message que leur profession est plus difficile que celle des autres Français .
Le problème des enseignants n’est-il pas à cause d’une profession trop syndicalisée qui refuse tout changement et d’une féminisation qui rend le corps enseignant incapable d’une quelconque autorité sur les élèves .

Si je vous suis bien, cher Pachot, les gens se suicident pour faire parler d’eux et les femmes sont incapables d’autorité ?…
Quant aux syndicats, sachez qu’ils n’ont jamais été aussi faibles que depuis cette semaine, le ministre s’en frotte les mains.

Quelle relation entre syndicalisation et problème des enseignants? Tellement peu sont syndiqués!
Pourquoi les femmes auraient elles moins d’autorité que les hommes? Poncif classique mais néanmoins stupide pour qui a fréquenté ce milieu…
je suis toujours surpris de ces certitudes alors qu’on ne connait pas les problèmes? Ne peut on pas s’interroger au lieu d’affirmer ?

Excellent article qui fait bien le tour de la question … il est rare que l’injonction paradoxale soit mentionnée parmi les causes du malaise enseignant, elle est pourtant notre lot quotidien, en premier lieu sur le chapitre de l’autorité ! Tout le monde s’accorde sur un point : les profs doivent avoir de l’autorité avec les enfants … des AUTRES !
En tant que femme, prof et militante, je me sens un peu visée par certains commentaires mais … oui, les femmes ont souvent plus de mal que les hommes à établir leur autorité, leur propre éducation ne les y a pas préparées … oui, les syndicats bloquent, je pensais que c’était leur boulot, pardon, je ne suis qu’une femme …
Le taux de syndicalisation est à près de 90% … dans la police !!! et eux, ont de l’autorité … y a-t-il un rapport ???

Les changements, c’est quoi? Des régressions et la perte des acquis sociaux:suppression de l’année de formation pour les stagiaires ,suppression de la CPA,etc.

DSK : sort de ce corps !!!!

Je crois que la solution est là : supprimons les syndicats, supprimons les femmes, et il n’y aura plus aucun problème dans l’enseignement en France !
Mais pourquoi personne n’y avait pensé avant ?!

:-D

Bonjour,

Je n’ai pu m’empêcher , à la lecture de vos propos, de sourire. Ce même sourire que connaissent mes élèves, bienveillant, mais qui reflète ma déception .

En clair, le machisme est honteux. Et il est faux qu’un homme tient une classe de meilleure façon qu’une femme.
Avec des effectifs entièrement masculins dans mon établissement, de surcroît en zone difficile, j’oserais même dire que c’est le contraire.

Quant au changement, monsieur, il est bienvenu , et si l’envie vous donne l’occasion de réformer le système éducatif et de m’évaluer , de proposer des critiques constructives de façon à faire obtenir le baccalauréat , la maîtrise du français sans assommer à coups de Bescherelle et un peu de culture générale , la porte est ouverte.

J’aurais peut -être une piste à votre question sur les problèmes dans l’enseignement : ne serait-ce pas du à un laxisme forcené de certains parents, qui se laissent marcher sur les pieds malgré eux, à une trop grande permissivité, aux jeux vidéos , aux téléphones portables qui ne cessent de rappeler à notre génération que tout savoir est à la portée de leurs doigts ( en tapant google , ils finissent par me les trouver, les dates, en histoire…) Loin de moi l’idée de critiquer les parents , qui sont mes principaux interlocuteurs pour comprendre ce qui peut causer tel ou tel problème…. mais nous sommes en présence d’une génération qui est différente , donc des réactions à l’autorité différentes, qu’il faut cerner d’abord avant de disserter.

J’enseigne depuis plus de 20 ans dans une commune de 10 000 habitants du midi méditerranéen, pas vraiment en zone difficile…Depuis quelques années, nous remarquons une nette augmentation d’enfants présentant des troubles du comportement,enfants issus souvent de familles « explosées », séparation difficile, maman le plus souvent seule avec plusieurs enfants, dans une situation financière précaire… Je ne cherche pas à stigmatiser qui que ce soit, il s’agit d’un simple constat. Cette année nous avons des classes de CP à 26 élèves dont 5 présentent ces troubles,ils refusent le travail, crient, se jettent par terre, répondent et frappent l’enseignante et empêchent leurs camarades de travailler. Mes collègues sont des instits très expérimentées, autoritaires, mais ces enfants sont insensibles à l’autorité car ils sont en souffrance. Résultat, elles sont au bord de la crise. Nous avons donc contacté l’inspecteur. Ce dernier comprend notre désarroi, compatit, mais, faute de moyens,n’a plus de poste d’enseignant spécialisé dans les troubles du comportement, plus de médecin scolaire, plus de remplaçant qui pourrait éventuellement être en surnuméraire sur l’école à nous proposer….Solution ? Système D : faire circuler les enfants difficiles dans les autres classes pour permettre à leurs camarades et à la maîtresse de souffler…Nous en sommes là et ces cas sont nombreux en France, une société en crise, des moyens humains en nette diminution. Il est vraiment temps de faire de l’éducation nationale un enjeu majeur de la prochaine campagne électorale.

Merci, marenostrum, pour ce témoignage simple et vibrant, qui dit bien mieux que moi et par l’exemple pourquoi la situation est critique à l’école ces temps-ci… Vous parvenez à relier parfaitement politique publique et métier au quotidien en montrant comme le second souffre des manques de la première. Bien amicalement, L.

Ce qui est arrivé dans le sud de la france est terrible
et appelle le plus respectueux recueillement.
Il y a depuis quelques annees un vrai probleme de comportement chez nos enfants( pas tous, heureusement!)
Par contre, l’ amalgame fait, ici ou là, avec les suppressions de poste est proprement scandaleux…

Ne trouvez-vous pas « curieux », non pour la personne qui n’est plus, mais pour ses « proches » et pour d’ »autres », d’observer l’expression d’une « Solidarité »…post-mortem ?

Vous êtes taquin, Did, mais vous avez raison, la solidarité post-mortem c’est un peu comme un César d’honneur décerné à un acteur disparu dans l’année.
Et pourtant, c’est bien de solidarité dont il s’agit : solidarité de corps de la part de personnes qui se sentent concernées par le parcours et le geste de L. Bonnefous, parce qu’elles vivent les mêmes choses au quotidien, états d’âme compris. Quelque part, c’est l’enseignante, non la personne, qui est la destinataire de cette « solidarité ».
Vous semblez dire que cette solidarité lui aurait été bien plus profitable de son vivant, qu’elle se sente moins seule et peut-être, ne passe pas à l’acte. Sûrement avez-vous raison là aussi. Mais peut-être aussi que le suicide a ses mouvements souterrains, sa géographie intime, plus complexe qu’on ne le croit. Par ailleurs, les « manifestations de solidarité » visaient aussi à dire haut et fort que ce qu’on appelle de manière floue « le malaise enseignant » est une réalité bien concrète, et à dénoncer les conditions de ce malaise dont on sait où il peut, parfois, mener.

« Peut-être aussi que le suicide a ses mouvements souterrains, sa géographie intime, plus complexe qu’on ne le croit » écrivez vous.
Que faut il comprendre dans cette phrase? Que le « candidat » au suicide serait un être prédisposé à passer à l’acte, « par nature »?

Vous me semblez avoir, cher Did, une fâcheuse tendance au raccourci, à la simplification, au manque de nuance et de profondeur ! Mais peut-être qu’une deuxième lecture, suivie d’une phase de réflexion, y remédiera… ;-)

 
 
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